C’est la course, frénétique. Et c’est la demande, constante. Avoir un avis à l’instant même sur tout, tout le temps et partout. “Alors, qu’en penses-tu ? Es-tu pour ou es-tu contre ?” La nuance est rarement sollicitée, c’est choisi ton camp. Le “je ne sais pas est, souvent est mal vécu. Et s’ensuit ensuite l’étiquette – difficile à retirer – que nous collons sur une personne pour sa prise de position. L’enjeu est crucial: c’est ce que je pense et ce que je dis qui dit ce que je suis. Mon avis me définit, faute de pouvoir m’élever dans un dialogue et un débat constructif. Pourtant, comme le disait Montaigne: “Je donne mon avis non comme bon, mais comme mien”. Et rien ne m’interdit, au contraire, d’en changer…

💡Avoir un avis c’est facile, se faire un avis l’est moins. Déjà car communiquer, ce n’est pas forcément dire la vérité.

Sur le web, et ailleurs, nombre de fake news circulent. Les mésinformations sont aussi vieilles que la création de la presse populaire. Ce qui est différent, aujourd’hui, c’est la vitesse de propagation de cette désinformation. Ce qui ne change pas, c’est que les désinformateurs sont plus actifs à partager leurs points de vue tronqués
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Se faire un avis n’est donc pas toujours aisé, dans le sens où rares sont les sujets dont la vérité est claire. Sur nombre de sujets, les experts ne sont pas d’accord et, irrégulièrement, s’empoignent. Il y a plusieurs “écoles”, il y plusieurs “avis”, il y a plusieurs axes de recherche. Rien n’est tranché, rien n’est gravé dans le marbre. Est-ce problématique ? Non, après tout la science est basée, au départ, sur l’ignorance. Pourtant, comme le déclarait le mathématicien et philosophe Bertrand Russell: « Ce que les hommes veulent en fait, ce n’est pas la connaissance, c’est la certitude. » Et ça c’est problématique. Car une théorie est censée faire avancer la science plutôt qu’à la définir pour l’éternité. Parfois la tendance penche d’un côté, et parfois de l’autre.

C’est comme en neurosciences, à lire le passionnant livre d’Albert Moukheiber “Neuromania”: nombre de concepts en neuroscience qui sont partagés, et parfois enseignés, ne sont pas vrais. Toutefois, certains ne sont pas totalement faux. Nous naviguons dans un océan que nous pouvons nommer le vraux (du vrai fait de faux, ou vice versa). Ou, pour en donner une autre définition: pléthore de théories, ou de modèles, sont « vraux » – vrai jusqu’au moment où ils deviennent faux. Et c’est le philosophe Gaston Bachelard qui nous partage sa pensée: “la connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres”. Et il n’est pas toujours facile d’identifier et d’accueillir les sombres.

Aussi, reconnaître que nous ne savons pas (encore) n’est pas un signe que nous sommes moins intelligents. Il n’est jamais trop tard pour se faire un avis

🔎 Comment se forger un avis éclairé ?

  • En faisant un détour par le passé, en lisant et en écoutant ceux qui se sont penchés sur la question avant nous. Ce n’est pas LA vérité, seulement un éclairage, une source de compréhension, un décryptage, un clef de lecture.
  • En faisant un tour sur la colline de l’autre, dans le camp d’en face: qui ne constitue pas un risque, mais une opportunité dont le but est d’enrichir son point de vue via la point de vue de l’autre. Encore une fois, il ne s’agit pas de renoncer à penser par soi-même ; mais à confronter sa pensée au réel et aux autres afin de se faire un avis qui soit aligné, au jour d’aujourd’hui, avec nos croyances, nos valeurs, qui nous sommes.
  • En privilégiant le VRAI dialogue. Ou, exprimé autrement: l’importance du dialogue, avec une véritable écoute et un questionnement sincère qui nous pousse à entrer dans la carte du monde ou dans l’esprit de celui qui nous parle: comment est-il venu à cette conclusion ? Par quel chemin est-il passé pour adhérer à telle ou telle théorie ? Ici, il ne s’agit pas de dialoguer en préparant sa réponse. Il ne s’agit pas d’être dans un jeu du “pour et du contre”, qui n’a pas beaucoup de sens.

Enfin, il faut trancher. Il faut juger. Il faut discerner. Comment j’accueille toute la collecte d’informations précédentes, et comment, telle que je suis aujourd’hui je la reçois. En gros: qu’est-ce qui est le plus juste pour moi maintenant ? Quitte à changer et se faire un autre avis plus tard…

Qu’en pensez-vous ?