Le paradoxe d’Abilène: gestion de l’accord et du désaccord dans le groupe lors de prise de décision
Connaissez-vous le paradoxe d’Abilène ? Qui illustre la difficulté pour un groupe à prendre une décision, à gérer collectivement son accord et qui met en lumière, également, la notion ou le concept sociologique de: « conformisme de groupe » / « conformité sociale ».
C’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison, Coluche
Ce paradoxe tire son nom d’une ville située dans l’Etat du Texas et au sein de laquelle le sociologue Jerry Harvey imagine une métaphore qui explique comment des individus arrivent à prendre une décision qui semble satisfaire le groupe mais qui, au final, se révèle décevante pour chacun d’entre-eux.
« Quatre adultes, un couple marié et les parents de la femme, sont assis sous un porche dans une chaleur abrutissante dans la petite ville de Coleman, au Texas, à environ 53 miles d’Abilene. Ils sirotent tristement de la citronnade, observant le ventilateur souffreteux et entamant de temps à autre une partie de domino.
À un moment, le père de l’épouse suggère qu’ils se rendent à Abilene pour se restaurer dans une cafétéria.
Le gendre pense que c’est une idée folle mais n’ose pas contrarier sa femme qui voit si peu ses parents. Les deux femmes ne semblent pas opposées à cette idée et voilà tout ce petit monde entassé dans une Buick sans air climatisé, qui soulève sur le chemin des nuages de poussière.
À Abilene, ils mangent un déjeuner médiocre dans un endroit glauque et reviennent à Coleman épuisés, suants, et peu satisfaits du périple. C’est une fois de retour à la maison qu’ils se rendent comptent qu’aucun d’eux n’avait vraiment voulu aller à Abilene. Le beau-père l’avait proposé et les autres l’avaient accepté juste parce que chacun avait pensé intérieurement, sans le vérifier, que les autres étaient désireux d’y aller. » (source wikipedia)
Une apparence bien trompeuse
Aucun des quatre membres du groupe ne souhaite réellement se rendre à Abilene ; pourtant tout le groupe s’y rendra. Pourquoi ? Car, en apparence, tout le monde semblait d’accord: chaque membre ayant halluciné les pensées des autres en s’imaginant qu’ils souhaitaient y aller. Pourquoi personne n’a véritablement exprimé (et affirmé) ses désirs ou son opinion profonde ? Est-ce par crainte de s’offenser et de se contredire mutuellement ? Est-ce par peur d’être rejeté du groupe ?
Une incapacité à gérer l’accord dans le groupe
« Les organisations prennent fréquemment des mesures en contradiction avec ce qu’elles veulent faire et vont donc à l’encontre des objectifs mêmes qu’elles tentent d’atteindre. L’incapacité à gérer les accords, et non l’incapacité à gérer les conflits, est le symptôme essentiel qui définit les organisations prises dans la toile du paradoxe d’Abilene, »Jerry Harvey
En résumé, quelle est la cause du paradoxe d’Abilène ? Réponse: une incapacité à gérer l’accord. Chaque membre croit, à tort, que ses préférences diffèrent (ou vont à l’encontre) du reste du groupe. Par conséquent, personne n’ose soulever d’objections. Personne n’ose pleinement s’exprimer (avec peut-être cette croyance en toile de fond: s’exprimer sans réserve serait prendre le risque d’être exclu du groupe).
Il y a une réticence des individus à agir d’une manière qui semble contrevenir aux actions dominantes d’un groupe.
Se conformer par peur d’être exclu du groupe
« Quand nous nous sentons en sécurité à l’intérieur de l’organisation, nous combinons naturellement nos talents et nos points forts et nous travaillons inlassablement pour faire face aux dangers extérieurs et saisir les opportunités, » Simon Sinek, « Leaders eat last »
Alors: comment peut-on minimiser ou éviter ce paradoxe ? Un début de réponse en trois points:
- Créez un environnement sûr, sécurisant, de confiance et dans lequel un individu peut pleinement partager son avis, ses points de vue.
- Écoutez activement les commentaires et les opinions qui vont à contre-courant, favoriser la diversité des points de vue.
- Osez affronter le désaccord (ou du moins attendez-vous à du désaccord, et sans en avoir peur: le conflit, cadré, est constructif)
Trois points qui vous permettront, peut-être, d’explorer d’autres territoires, propices à la réflexion, à la créativité, à l’innovation, à la surprise… 😉