Dans la peau d’un adolescent: voici la lettre que je voudrais pouvoir vous écrire, papa et maman
Ne pas savoir ce qu’on souhaite et le vouloir ardemment. « L’adolescence est une période de confusion et de contradiction, où les émotions sont intenses et souvent difficiles à comprendre, » comme le souligne si justement l’écrivain J.D. Salinger. Mettre des mots sur des expériences et des ressentis, surtout quand nous sommes en plein dans la tourmente, n’est pas aisé. Période des désillusions et des illusions, des tests, de la quête de sens et de soi, l’adolescence est souvent une époque complexe pour les parents qui accompagnent leur progéniture comme ils le peuvent. C’est pourquoi la psychologue américaine Gretchen Schmelzer s’est mise dans la peau d’un ado et a rédigé la lettre qu’il voudrait – mais ne sait pas – écrire…
L’adolescence est l’âge où les enfants commencent à répondre eux-mêmes aux questions qu’ils posent, George Bernard Shaw
L’adolescent est cet être à l’étroit dans sa peau qui blâme, qui s’indigne, qui méprise, qui s’emporte pour un rien et contre tout, qui teste et qui va jusqu’au bout de ses pensées ; qui ne sait pas ce qu’il veut et qui le veut, pourtant, ardemment. Époque des envols les plus audacieux, l’adolescence est aussi cette recherche, passionnée et passionnante, de sens: qui suis-je, quelles sont mes croyances, quelle est ma place dans ce monde, dans mon monde. Comment créer un cadre qui me sied ? Peut-être en l’explosant, en allant au-delà des limites que l’on m’a, jusqu’ici, imposées. Se vouloir libre de tâter le champs des possibles, de vivre des expériences pour, ensuite, se positionner. Ou pas.
Pour les parents, c’est une période qui est complexe à vivre. C’est pourquoi la psychologue Gretchen Schmelzer a mis des mots sur les maux dans cette bouleversante lettre, que nous vous partageons ci-dessous. Belle lecture.
« Cher parent,
Voici la lettre que je voudrais pouvoir t’écrire.
Ce conflit dans lequel nous sommes maintenant, j’en ai besoin. J’ai besoin de ce combat. Je ne peux pas l’expliquer parce que je n’ai pas le vocabulaire pour le faire et parce que, de toute façon, ce que je dirais n’aurait pas de sens. Mais j’ai besoin de ce combat. Désespérément.
J’ai besoin de te détester pour le moment, et j’ai besoin que tu y survives. J’ai besoin que tu survives au fait que je te haïsse et que tu me haïsses.
J’ai besoin de ce conflit, même si je le hais. Peu importe ce sur quoi nous sommes en conflit : heure du coucher, les devoirs, le linge sale, ma chambre en désordre, sortir, rester à la maison, partir de la maison, ne pas partir, la vie de famille, petit(e) ami(e), pas d’amis, mauvaises fréquentations. Peu importe. J’ai besoin de me battre avec toi au sujet de ces choses et j’ai besoin que tu t’opposes à moi en retour.
J’ai désespérément besoin que tu tiennes l’autre extrémité de la corde. Que tu t’y accroches fermement pendant que je tire de mon côté, que je tente de trouver des appuis dans ce nouveau monde auquel je sens que j’appartiens.
Avant, je savais qui j’étais, qui tu étais, qui nous étions. Mais maintenant, je ne sais plus.
En ce moment, je cherche mes limites et, parfois je ne peux les trouver qu’en te poussant à bout. Repousser les limites me permet de les découvrir. Alors je me sens exister, et pendant une minute je peux respirer.
Je sais que tu te rappelles l’enfant doux que j’étais. Je le sais, parce que cet enfant me manque aussi et, parfois, cette nostalgie est ce qu’il y a de plus pénible pour moi.
J’ai besoin de ce combat et de constater que, peu importe combien terribles ou exagérés sont mes sentiments, ils ne nous détruiront ni toi ,ni moi. Je veux que tu m’aimes même quand je donne le pire de moi-même, même quand il semble que je ne t’aime pas. J’ai besoin maintenant que tu t’aimes toi et que tu m’aimes moi, pour nous deux.
Je sais que ça craint de ne pas être aimé et d’être étiqueté comme étant le méchant. Je ressens la même chose à l’intérieur mais j’ai besoin que tu le tolères et que tu obtiennes de l’aide d’autres adultes. Parce que, moi, je ne peux pas t’aider pour le moment. Si tu veux te réunir avec tes amis adultes et former un « groupe de soutien pour survivre à la fureur de votre adolescent », c’est ok pour moi. Ou parler de moi derrière mon dos, je m’en fiche. Seulement ne m’abandonne pas. N’abandonne pas ce combat. J’en ai besoin.
C’est ce conflit qui va m’apprendre que mon ombre n’est pas plus grande que ma lumière. C’est ce conflit qui va m’apprendre que des sentiments négatifs ne signifient pas la fin d’une relation. C’est ce conflit qui va m’apprendre à m’écouter moi-même, quand bien même cela pourrait décevoir les autres.
Et ce conflit particulier prendra fin. Comme tout orage, il se calmera. Et je vais l’oublier, et tu l’oublieras. Et puis il reviendra. Et j’aurai besoin que tu t’accroches de nouveau à la corde. J’en aurai besoin encore et encore, pendant des années.
Je sais qu’il n’y a rien de satisfaisant pour toi dans ce rôle. Je sais que je ne te remercierai jamais probablement pour ça, ou même que je ne reconnaîtrai jamais le rôle que tu as tenu. En fait, pour tout cela, je vais probablement te critiquer. Il semblera que rien de ce que tu ne fais ne soit jamais assez. Et pourtant, je m’appuie entièrement sur ta capacité à rester dans ce conflit. Peu importe à quel point je m’oppose, peu importe combien je boude. Peu importe à quel point je m’enferme dans le silence.
S’il te plaît, accroche-toi à l’autre extrémité de la corde. Et sache que tu fais le travail le plus important que quelqu’un puisse faire pour moi en ce moment.
Avec amour, ton adolescent. »